Voici pourquoi les artistes femmes de l'École de Paris commencent à valoir de l'or

Natalia Gontcharova, huile sur toile

Durant les dernières décennies, le marché de l’art a relégué les femmes de l’École de Paris à la marge du récit moderniste. Depuis les années 2010, les lignes bougent, les ventes s’accélèrent, les collectionneurs se positionnent et les expositions se multiplient.

Le chiffre global de la part des artistes femmes dans les ventes modernes en 2023 s’élevait à environ 5% selon Artprice.

On assiste depuis à une croissance des enchères sur des profils comme Chana Orloff, Sonia Delaunay, Alice Halicka, Valentine Prax, Natalia Gontcharova, Zinaida Serebryakova, Élisabeth Epstein ou encore Olga Sacharoff, qui est couplée à une évolution de leur reconnaissance éditoriale et muséale, par le biais des catalogues, des rétrospectives et des rééditions. 

Une redécouverte muséale qui amorce le virage

Comme pour la majorité des artistes femmes en France et à l’étranger, on assiste à une hausse du nombre d’expositions monographiques ou collectives. Certaines sont centrées sur les artistes femmes de l’École de Paris.

On peut citer « Pionnières. Artistes dans le Paris des années folles » au musée du Luxembourg en 2022, ou « Women in Abstraction » au Centre Pompidou en 2021. Des rétrospectives récentes ont aussi eu lieu pour Sonia Delaunay au Tate, au MoMA et au Centre Pompidou, pour Chana Orloff au Musée Zadkine.

Plus de 70 expositions collectives incluaient des femmes de l’École de Paris entre 2015 et 2024, un chiffre en nette hausse qui est très encourageant. Les citations dans les catalogues d’exposition (base du Centre Pompidou et Getty Provenance Index). Il faut garder en tête que la légitimation muséale précède toujours la valorisation sur le marché, surtout pour ces artistes.

Des prix encore bas, mais qui s’envolent vite

Les artistes femmes de l’école de Paris ont été longtemps sous-évaluées par le marché, mais elles voient leurs prix grimper depuis une décennie environ. Les enchères montent ainsi d’année en année pour certaines figures redécouvertes.

Les collectionneurs cherchent désormais l’artiste femme sur laquelle misait qui serait pour eux encore abordable.

Pour Chana Orloff, en 2010, une sculpture se vendait entre 10 000 et 15 000€. En 2024, une sculpture datant de 1919, Jeune fille assise, a été adjugée 152 000€ chez Christie’s. L’augmentation est extrêmement rapide et le potentiel de hausse l’est encore davantage.

Pour Sonia Delaunay, en 2005, ses œuvres sur papier étaient adjugées entre 3 000 et 7 000€. En 2023, des œuvres comparables sont adjugées entre 25 000 et 80 000€. Le segment est en tension, à tel point qu’une gouache de 1926 a été adjugée 1,2 million € chez Sotheby’s en 2021.

Un intérêt international qui s’éveille

Certaines ventes à l’étranger ont vu figurer les artistes femmes de l’École de Paris en bonne place. En France, c’est un peu moins le cas mais la nette hausse de la présence de ces artistes dans les foires internationales comme l’Art Basel, l’Art Paris ou la TEFAF confirment le nouvel attrait français pour ces productions en particulier.

En 2023, +47% d’œuvres d’artistes femmes de l’École de Paris ont été vendues à l’international par rapport à 2015. La part des ventes ayant lieu en dehors de la France a drastiquement diminué sur un an, passant de 35% en 2024 à 19% en 2015.

Le nombre d’artistes femmes représentées chez les galeries modernes à l’Art Basel Paris a été multiplié par deux entre 2018 et 2023. La valorisation est donc soutenue par une meilleure visibilité internationale, qui accélère aussi la dynamique du marché national.

Des collectionneurs en quête de justesse historique et d’esthétique moderne

Grâce aux divers travaux menés depuis une vingtaine d’années par les historiens de l’art, les conservateurs, les différentes institutions et les musées, qu’ils soient privés ou publics, enclenchent tous une revalorisation féminine du XXème siècle.

Les jeunes collectionneurs sont sensibles à une double promesse : celle de la qualité formelle et celle de la correction historique. Ces artistes offrent ainsi une alternative crédible et esthétiquement cohérente, qui palie aux grandes figures déjà inaccessibles comme Leonora Carrington ou Remedios Varo.

Selon le rapport Art Basel 2024, 62% des collectionneurs de moins de 45 ans déclarent chercher à « corriger les angles morts de l’histoire de l’art ». Les artistes femmes représentent encore moins de 5% des artistes vendus dans les ventes d’art moderne et impressionniste en 2023, un chiffre qui ne peut qu’augmenter et qui laisse deviner un potentiel colossal pour les œuvres des femmes de l’École de Paris.

Le marché de l’art est donc en train de répondre à la question qu’a posée Linda Nochlin dans les années 1970 : pourquoi n’y a-t-il pas eu de grandes artistes femmes ?

Il se trouve qu’il y en a eu, des centaines puis des milliers. Elles renversent doucement les tendances sans s’imposer drastiquement, dans un processus long mais durable, encouragées par les productions de catalogues raisonnés, les monographies et les rééditions.

Sans vouloir chercher le rattrapage historique, elles sont aujourd’hui appréciées pour leur talent et à leur juste valeur, reconnues de manière individuelle pour leur contribution à l’histoire de l’art.

Une revalorisation encore incomplète, mais à fort potentiel

Concernant l’École de Paris pour les femmes artistes, le rééquilibrage est en cours, mais loin d’être terminé. Il y a encore peu de records, mais la demande croît. On décèle un potentiel de x2 ou x3 sur certains artistes dans les 5 à 10 prochaines années.

On est aujourd’hui à moins de 20 ventes millionnaires pour des artistes femmes issues de l’art moderne (contre des centaines chez leurs homologues masculins). Parmi les 100 plus grosses adjudications modernes de 2023, une seule concernait une femme de l’École de Paris, Sonia Delaunay.

Selon ArtTactic, le marché des femmes artistes du XXème siècle pourrait doubler de volume d’ici 2030. On est donc encore loin d’être au sommet, mais le mouvement est enclenché et les plus visionnaires y voient une opportunité historique.

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