Voici pourquoi les cubistes français reviennent en grâce sur le marché

Une redécouverte progressive portée par les institutions
Le cubisme français regagne aujourd’hui sa place dans les musées. Longtemps relégué au profit des figures tutélaires comme Picasso ou Braque, le cubisme français élargi : celui de Metzinger, Gleizes, Villon ou Lhote fait l’objet depuis une quinzaine d’années d’un travail de redécouverte institutionnelle.
Les musées réintègrent peu à peu ces artistes dans leurs accrochages et leurs acquisitions. L’exposition « Le Cubisme » au Centre Pompidou (2018 – 2019) a marqué un tournant. Saluée comme l’une des plus complètes jamais consacrée au mouvement en France, elle a réuni plus de 300 œuvres, en insistant sur les autres écoles parallèles à Picasso et Braque, et sur des figures moins connues comme Marie Laurencin, Henri le Fauconnier ou André Mare.
La politique d’acquisitions publiques est très active, le Centre Pompidou détenant aujourd’hui plus de 60 000 œuvres, contre 44 000 en 2000, une part croissante étant dédiée aux avant-gardes françaises.
Le Musée d’art moderne de Paris a de son côté enrichi sa collection de plus de 800 œuvres par don et plus de 200 œuvres par achat depuis 2007. Une partie de ces œuvres correspond à la scène cubiste française.
Les musées régionaux suivent le mouvement, le musée de Quimper a récemment acquis deux toiles cubistes d’André Favory (1913). Le musée de Grenoble met en avant la période cubiste d’Albert Gleizes dans ses accrochages permanents.
Des musées comme ceux d’Albi, de Saint-Tropez ou de La Piscine à Roubaix exposent régulièrement des œuvres cubistes dites secondaires mais qui sont historiquement essentielles.
On assiste également à un regain d’intérêt scientifique et éditorial accompagne ce mouvement, avec la publication de plusieurs catalogues raisonnés et des ouvrages de fond sur les salons indépendants et la réception critique du cubisme en France.


Un marché longtemps sous-évalué, en train de se rééquilibrer
Pendant plusieurs décennies, le marché de l’art moderne a concerné sa valorisation sur quelques figures-clés, notamment Picasso, Braque ou Gris. En parallèle, les représentants du cubisme français « historique » comme Jean Metzinger, Albert Gleizes, Jacques Villon ou André Lhote ont connu une forme de marginalisation, et ce malgré leur rôle fondateur.
En 2020, le prix moyen d’une œuvre de Jean Metzinger se situait autour de 40 000 à 60 000€ en vente publique, contre plusieurs millions pour une œuvre de Braque. Cette disproportion ne reflétait pas toujours la qualité ou la place historique des œuvres proposées.
Les écarts sont révélateurs : en 2017, une huile sur toile cubiste de Metzinger de 1914, Nature morte au compotier, s’est vendue 47 000€ chez Christie’s.
La même année, un Braque de taille comparable (mais daté de 1911) atteignait 3,6 millions chez Sotheby’s Londres. Jacques Villon, bien que prolifique, oscillait encore récemment entre 15 000 et 80 000€, selon les formats et les supports.
Un retournement de tendance s’est opéré depuis les années 2015 – 2020. Les enchères pour les cubistes français ont progressivement augmenté, sous l’effet d’une meilleure reconnaissance muséale et d’une plus grande exposition internationale.
On note + de 78% de hausse en moyenne pour les œuvres cubistes françaises entre 2010 et 2023 (source : Artprice, analyse sectorielle postimpressionnistes / cubistes).
En 2022, un tableau de Gleizes de 1912 (Formes en évolution) a atteint 240 000€ chez Sotheby’s. Il s’agissait d’un record pour cet artiste depuis 2008.
Le volume de transactions reste limité, ce qui garantit une relative stabilité et peu de spéculation. Moins de 70 œuvres cubistes françaises vendues par an sur le marché international (hors Braque / Picasso), selon les rapports ArtNet.
Les œuvres sont souvent conservées en collections privées ou muséales, ce qui raréfie l’offre disponible. Le marché se concentre donc désormais sur les pièces majeures des années 1911 – 1914, mais les œuvres plus tardives et les dessins autrefois délaissés enregistrent aussi une hausse régulière de leur valorisation.
Des acheteurs plus avertis, en recherche d’abstraction historique et de narration française
Le marché du cubisme français attire désormais des collectionneurs plus jeunes et plus européens, à la recherche d’œuvres qui lient rigueur formelle, portée historique et récit esthétique. Selon le rapport Art Basel & UBS Art Market 2024, 43% des collectionneurs milléniaux interrogés en Europe affirment rechercher en priorité des œuvres « modernistes aux racines intellectuelles solides », contre 31% en 2019.
On observe également une montée en puissance des acheteurs européens dans le secteur « art moderne ». En 2023, 59% des ventes cubistes se sont conclues auprès de collectionneurs situés en France, Allemagne, Belgique ou Suisse (Sotheby’s Insights 2024).
A Paris, le nombre d’enchérisseurs enregistrés sur les ventes « cubisme & abstraction » a augmenté de +35% entre 2018 et 2023 (Artcurial).
Ce marché est stable, à faible rotation, et est synonyme de valeur patrimoniale. Contrairement à d’autres secteurs plus spéculatifs, les œuvres cubistes françaises circulent peu sur le marché secondaire, ce qui limite les effets de bulle ou de correction brutale.
Le taux de rotation moyen (revente d’une même œuvre dans un délai de 10 ans) est inférieur à 18% pour les œuvres cubistes françaises, contre 42% pour les œuvres contemporaines figuratives (ArtTactic).


Une cohérence esthétique qui séduit les collectionneurs
Le langage visuel du cubisme est en phase avec les accrochages contemporains, et le cubisme français, par sa géométrisation douce, ses compositions équilibrées et ses couleurs sobres ou feutrées s’accorde avec les intérieurs contemporains et minimalistes.
Les collectionneurs apprécient de plus en plus l’harmonie formelle des œuvres cubistes françaises. Une œuvre de Villon ou de Gleizes peut par exemple dialoguer avec un Ellsworth Kelly, un Josef Albers ou un Sean Scully.
Les cubistes français s’intègrent aujourd’hui à des scénographies très actuelles : à la TEFAF Maastricht 2024, deux œuvres cubistes françaises figuraient sur des stands initialement dédiés à l’art contemporain, signe d’une esthétisation transversale.
Des artistes contemporains, notamment dans la scène géométrique et conceptuelle, revendiquent une filiation indirecte avec le cubisme français, plus cérébral et structurel que ses homologues espagnols ou italiens. Plusieurs accrochages ou expositions récentes ont mis en lumière des artistes historiques et des contemporains, dans un dialogue plastique fluide.
Un mouvement riche, aux figures encore abordables
Si les grandes figures du cubisme international (Picasso, Braque, Léger) atteignent des sommets, le cubisme français plus large reste un terrain fertile pour les collectionneurs éclairés, avec de nombreux artistes de talent encore accessibles sur le plan financier.
Plusieurs artistes voient donc leur cote progresser douvement mais régulièrement :
- Jacques Villon : ses œuvres sur papier se vendent entre 5 000 et 20 000€, ses toiles cubistes d’avant-guerre entre 60 000 et 200 000€.
- Jean Metzinger : huiles entre 30 000 et 120 000€, dessins entre 4 000 et 12 000€.
- Albert Gleizes : toiles entre 40 000 et 250 000€, selon les périodes, la rareté et la provenance.
- Henri Le Fauconnier, André Lhote, Roger de La Fresnaye, Louis Marcoussis : eux aussi bénéficient de hausses ponctuelles, mais leurs œuvres restent en dessous de 100 000€ pour la plupart.
Ainsi, le marché est en croissance régulière, ces artistes sont suivis par des marchands spécialisés et apparaissent de plus en plus dans des ventes spécialisées. Cela garantit une stabilité des prix ainsi qu’une meilleure visibilité sur le long terme.
Le moment est donc stratégique pour entrer dans ce segment : en raison d’un rééquilibrage en cours des valeurs historiques, le cubisme français offre un triple avantage : des prix encore accessibles, une légitimité muséale croissante et une esthétique en phase avec les goûts actuels. Il est aussi important de souligner l’intérêt patrimonial et documentaire de ces œuvres dans les grandes collections privées modernes.
Response in less than 24h
Related topics

Voici pourquoi la cote des femmes artistes va exploser
Provenance impeccable, réinsertion historique, attention des institutions : les femmes artistes n'ont jamais été aussi présentes sur le marché.
Read more >

Point sur les chiffres des femmes artistes, devenues inconto...
Le marché s’embrase pour les femmes artistes : 13 % de croissance et ce n’est qu’un début. On vous décode les chiffres.
Read more >
Secure site, anonymity preserved
State-approved auctioneer and expert
Free, certified estimates