Voici pourquoi la cote des artistes de l'abstraction lyrique va continuer à augmenter

Voici pourquoi la cote des artistes de l’abstraction lyrique va continuer d’augmenter 

Loin des projecteurs dans les années 1980, les figures majeures de l’abstraction lyrique connaissent aujourd’hui un regain d’intérêt assez soutenu. Portée par les institutions, les grandes ventes ainsi que le retour du goût pour la matière et le geste, leur cote connaît une trajectoire ascendante.

Une relecture historique favorable dans le contexte post-géométrique

L’abstraction lyrique fut longtemps éclipsée par l’abstraction géométrique (De Stijl, Bauhaus, constructivisme…). Elle est désormais reconnue comme l’une des deux grandes voies de l’abstraction européenne d’après-guerre.

Dans les années 2000, les historiens de l’art ont réévalué l’impact de Georges Mathieu, Gérard Schneider, Hans Hartung, Olivier Debré, Pierre Soulages ou encore Zao Wou-Ki, en soulignant leur lien avec l’histoire de la calligraphie, du geste pictural et de la musique.

Le succès d’expositions comme l’Envolée lyrique (Musée du Luxembourg, 2006), Hartung et la musique (2020), Georges Mathieu (2025, Monnaie de Paris) ou encore la redécouverte du groupe CoBrA a contribué à repositionner ces artistes dans le courant dominant de l’abstraction européenne, entre expressionnisme abstrait et tachisme. En conséquence, la reconnaissance historique de ce courant a construit une base solide pour la valorisation à long terme.

Des artistes désormais intégrés dans les collections muséales de référence

De nombreux musées dont le Centre Pompidou, le Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, la Tate Moderne ou le Guggenheim possèdent dans leurs collections majeures des œuvres de Soulages, Hartung, Bryen, Wols et Atlan.

La création de la Fondation Hartung-Bergman à Antibes, l’ouverture du musée Soulages à Rodez et les grandes rétrospectives internationales (Soulages au Louvre en 2019, Hartung à Paris en 2019 aussi) ont également contribué à consolider leur reconnaissance.

Ces institutions agissent comme des agents de légitimation auprès des acheteurs privés, en inscrivant durablement ces artistes dans le paysage artistique mondial.

Une matière plastique en phase avec le goût des contemporains

Le goût des collectionneurs depuis 2010 revient vers la matière, le geste et le rapport au corps. Il s’agit d’éléments qui structurent le courant de l’abstraction lyrique.

Contrairement à l’abstraction géométrique, qui est plus froide et systémique, l’abstraction lyrique suscite une réception sensible immédiate, ce qui la rend attrayante pour de nouveaux collectionneurs, entre autres en ce qui concerne les marché émergents (Asie, Moyen-Orient).

Zao Wou-Ki, qui incarne par exemple une synthèse entre gestualité occidentale et la pensée chinoise du vide, a connu une envolée spectaculaire : son tableau 29.09.64 s’est vendu 26 millions de dollars chez Sotheby’s à Hong Kong en 2021.

Ce qui plaît dans l’abstraction lyrique, c’est la plasticité visuelle et émotionnelle des œuvres qui renforce leur pouvoir d’attraction.

Une offre restreinte pour une demande en croissance

De nombreux artistes ayant fait partie de l’abstraction lyrique sont aujourd’hui décédés, et leur production est connue et stabilisée, parfois répartie dans des successions bien gérées ou déjà muséifiées.

Ce processus créé un effet classique de rareté maîtrisée. Chez Hartung, les œuvres importantes sont déjà dans les musées, le catalogue raisonné est achevé et la fondation est active. Chez Soulages, meurt récemment, en 2022, les œuvres majeures sont déjà acquises et le marché connaît une raréfaction de ses grands formats.

Pendant ce temps, la demande internationale augmente : on observe une forte croissance en Asie (particulièrement pour Zao Wou-Ki et Hans Hartung). Ces œuvres suscitent également un nouvel intérêt aux États-Unis (revues et musées redécouvrent les parallèles avec l’expressionnisme abstrait). La tension entre offre fixe et demande croissante provoque donc une pression haussière sur les prix.

Une dynamique de prix robuste et documentée

Chez Hans Hartung, son œuvre T1989-R41 a été vendue 2,7M€ chez Sotheby’s à Paris en 2021, le prix moyen d’une œuvre de l’artiste a été multiplié par 4 depuis 2010.

Pour Soulages, sa peinture intitulée 195 x 130 cm, 4 août 1961, a été adjugée 20,1M€ chez Christie’s, faisant de cette œuvre le record en 2021. Depuis l’exposition au Louvre en 2019, les enchères ont régulièrement dépassé les 5M€.

Pour Georges Mathieu, Souvenir de la Maison d’Autriche a été vendu 2,3M€ en 2022, une hausse alimentée par une relecture internationale du baroque abstrait.

L’œuvre de Gérard Schneider est encore relativement abordable mais les grands formats, antérieurs à 1955 franchissent désormais la barre des 300 000€. La demande est croissante surtout en ce qui concerne les acheteurs allemands et suisses.

Le marché de ces artistes suit un modèle de valorisation progressive et durable, soutenu par les ventes publiques et le placement dans des collections privées de qualité.

Une tendance de fond plus qu’un effet de mode

La montée en puissance de l’abstraction lyrique est structurelle : elle s’appuie sur la redéfinition du goût contemporain, la revalorisation du geste et une relecture historique appuyée par les musées.

Le marché répond aujourd’hui de façon cohérente à ces dynamiques : hausse maîtrisée, rareté croissante et visibilité institutionnelle.

Tout indique par conséquent que les artistes de ce courant, trop longtemps sous-valorisés par rapport à leur poids réel dans l’histoire de l’art, vont continuer à gagner en reconnaissance, en visibilité mais aussi en prix.